Les peintres créent des œuvres. Certaines sont vendues à des collectionneurs d’art, d’autres sont exposées dans des musées ou des galeries… Quoi qu’il en soit, la plupart des œuvres sont répertoriées dans le catalogue des artistes. Mais il arrive parfois que l’on perde la trace d’un tableau, et que celui-ci réapparaisse, des années voire des siècles plus tard.
C’est le cas d’un tableau de Jawlensky, qui a été retrouvé à Bayonne, dans une collection privée… et pas n’importe laquelle, puisque c’est la collection du Dr. Leifer, l’arrière-grand-père de Shai, la directrice de l’Oulpan Lavi !
Merci à Shai et à son père Marc pour le partage de leur histoire.
Le peintre Alexej Von Jawlensky
Jawlensky est un peintre d’origine russe. Il se forme à la peinture avec le célèbre professeur et peintre, Ilya Repin.
En 1893, Jawlensky se rend dans les shtetl, les villages juifs au sud de Moscou, et commence à peindre une série de portraits de résidents et d’habitants de ces quartiers. Le peintre en est encore à ses débuts. Il déménage quelques années plus tard en Allemagne, où il adopte un style expressionniste qui le rendra célèbre.
Le tableau du juif en prière
L’huile sur toile représente un juif d’un certain âge, certainement un rabbin, en train de prier. Il porte un talith et un couvre-chef, tenue typique des juifs ashkénazes de l’époque.
On peut voir également un estrade (bimah) devant lui, sur laquelle est posé le livre de prière.
Le tableau aurait été laissé par Jawlensky dans l ‘atelier de Repin. La toile aurait été roulée et emportée par Youri Repin,fils d’Ilya, jusqu’à à Helsinki en Finlande, où il se suicidera. Lors d’un de ses nombreux voyages à Paris, il aurait vendu la toile… à un collectionneur ? À un marchand d’art ? Au Dr. Leifer lui-même ? On ne peut qu’imaginer les milles scénarios probables…
Le collectionneur Dr. Leifer
Médecin, ébéniste, violoniste et collectionneur d’art, le Dr. Leifer émigre de la Pologne vers la France. Il y rencontre sa future femme avec qui ils ont un enfant, Claude, le grand-père de Shai. Lorsque la guerre éclate, la famille quitte Paris et se réfugie à Agen, en zone libre, emportant avec elle une bonne partie de la collection d’art. Le Dr. Leifer deviendra par la suite le président de la communauté juive de la ville.
Le père de Shai, Marc, me raconte que le tableau a toujours été chez eux. Selon son père, le tableau a toujours été là également. Fait étonnant : il l’appelait le Repin. En effet, la famille a toujours cru que le tableau était un tableau authentique ou une imitation d’une peinture du peintre Ilya Repin !
Une redécouverte inattendue !
Vous avez bien lu, Claude connaissait ce tableau comme le “Repin” ! Pourtant, c’est un tableau de Jawlensky.
Si l’on retourne le tableau, on voit des inscriptions en cyrillique, qui datent d’avant la révolution russe de 1917.
Il y est écrit : Youri Repin / Vera Repina (épouse Ilya)
Alexei Jawlensky, élève d’Ilya Repin Année 1891 à Paris
Ces caractères ont été inscrits par Youri Repin lui-même.
L’huile sur toile a été authentifiée par la fondation Jawlensky. Des photos du peintre en plein travail sur cette toile, dans l’atelier d’ Ilya Repin, ont d’ailleurs été retrouvées ! Sur ces photos, vous remarquerez que le tableau est beaucoup plus long que l’œuvre finale. Il a donc été raccourci. De même, vous pourrez voir une bougie en arrière-plan. Celle-ci a sans doute été partiellement effacée par le peintre.
Dans quelques jours aura lieu la vente aux enchères, à St-Jean-de-Luz. Le tableau est estimé entre 200 et 300 000 euros ! Pour celles et ceux qui ont envie d’y faire un tour pour le plaisir, ou pour acquérir un tableau, c’est par ici !